J'ai mis très longtemps à me décider à écrire cet article, me demandant s'il fallait vraiment le faire, si cela en valait la peine tant la révolution pour l'instant silencieuse qui est en cours dans le domaine de l'audio va entraîner des changements inéluctables et irréversibles dans nos conceptions et nos perceptions de ce qu'est une installation prétendant à la très haute fidélité.
Le temps nécessaire à me décider vient aussi de la difficulté à trouver le bon angle pour présenter la chose. N'en pouvant plus de retarder l'inévitable et désirant partager une expérience plutôt déstabilisante j'ai fini par me coller devant mon clavier et à me convaincre de parler de FDA.
Et de fenêtre.
Ouverte.
FDA ... Food and Drug Administration ?
Ça y est, vous êtes en train de vous dire "il parle de fenêtre ouverte, de médicaments, l'asile n'est pas loin, heureux soient les fêlés car ils laisseront passer la lumière".
Que nenni ami lecteur.
FDA = Full Digital Amplifier. Ah oui mais encore ? Parce que bien sûr aujourd'hui tout le monde connait ce terme galvaudé de Digital Amplifier. Pour certains, c'est un amplificateur tout ce qu'il y a de normal mais avec une entrée numérique. Pour d'autres, c'est un ampli en classe D (ou T), appelé aussi "ampli à découpage". Non, ce n'est rien de tout ça, un FDA est un amplificateur capable d'assurer la conversion de puissance du flux numérique qu'on lui soumet. Celle-ci, contrairement aux réalisations maintenant bien connues en classe D ou T, assure la conversion du flux numérique en volts et en ampères quasiment au niveau du bornier de raccordement des haut-parleurs, pour faire simpliste, à la différence d'un amplificateur en classe D classique qui accepte en entrée un signal exclusivement analogique, lequel est ensuite échantillonné et amplifié en modulation de largeur d'impulsion (MLI, ou PWM en anglais). Dans un FDA il n'y a aucune étape de conversion A/N du signal bas niveau, fors la conversion de puissance, et ce "bas niveau" fait toute la différence. C'est bien sûr très grossièrement résumé, mais cela suffit à comprendre où réside la l'opposition avec tout ce nous connaissions jusqu'ici. Les curieux et les impatients ne manqueront pas de trouver les définitions et les concepts de cette technique avec leur moteur de recherche internet préféré, le but de cet article n'étant pas de donner un cours de technologie.
Deux minuscules amplis et une énorme claque
Disons le sans ambages : l'expérience d'une écoute avec un de ces jouets (ils en ont effectivement l'aspect) est un one way ticket, un billet sans retour pour l'amplification full digital. En effet, pour moi il est hors de question de revenir en arrière, c'est tout simplement impossible, et ce pour une raison très simple qui est le bond qualitatif énorme procuré par un amplificateur entièrement numérique par rapport aux meilleurs amplificateurs connus jusqu'ici, quels qu'ils soient. Ceux qui ont eu l'occasion d'écouter mon système de référence savent à quelle hauteur la barre est placée pour qu'un appareil mérite ces commentaires. D.SOUND D400 Pour faire une analogie, c'est un peu la différence qui existerait entre regarder un paysage sur un écran où est affichée son image en haute définition et observer ce même paysage par une fenêtre ouverte. La comparaison n'est pas du tout exagérée. Durant les nombreuses heures passées à écouter les deux appareils dont il est question ici j'ai systématiquement eu la sensation très nette, pour la première fois de ma vie, de me trouver juste derrière les micros utilisés pour la prise de son. Quels que soient les amplis que j'ai pu écouter ou posséder je n'ai jamais ressenti cette immédiateté, cette évidence d'un son reproduit avec une absence totale de grain, de coloration, d'inertie, de flou ou d'autres artefacts présents dans la totalité des systèmes que je connais, quelle qu'en soit la réputation. Un tel choc auditif est bien sûr le résultat de la suppression des dégradations inévitables générées par les circuits analogiques présents dans tout amplificateur classique, fut-il considéré comme parfait. Jamais je n'ai ressenti une telle absence de medium entre le son enregistré et les haut-parleurs qui le donnent à entendre. A aucun moment on ne ressent de limite autre que ce qui a été capté par les microphones et fixé sur le support numérique.
Les écoutes ont été effectuées sur toutes sortes d'enceintes d'impédance moyenne allant de 4 à 8 ohms. Aucune n'a permis de mettre à mal les deux amplis, qui sont capables de faire demander grâce aux oreilles bien avant qu'eux mêmes ne montrent leurs limites. Le résultat le plus fabuleux a été obtenu sur les Kef 105.2 avec, sur les meilleurs enregistrements, une présence quasi physique des musiciens dans la pièce et des timbres d'une justesse et d'une vérité jamais ressentie avant.
Un des aspects les plus frappants de la transparence incroyable dont est capable un (bon) système avec un FDA est qu'une fois débarrassée des fioritures apportées par l'amplification analogique, la reproduction d'un enregistrement permet d'en percevoir très facilement des détails d'un niveau de finesse jamais entendu jusqu'ici et même les choix artistiques de l'ingénieur du son car oui, ces choix existent bel et bien et sont présents sur tous les disques.
Voici donc les deux tueurs en question. Ils sont minuscules, ils sont moches, ils sont bien sûr chinois mais ils envoient définitivement au musée n'importe lequel des monstres qui font habituellement rêver l'audiophile. FX-AUDIO D802 Ces deux appareils sont loin d'être les seuls représentants de cette nouvelle génération d'amplificateurs (il suffit de faire une recherche sur internet) mais ils ont l'avantage de contenir chacun des puces représentatives des technologies actuelles, à savoir les FDA de TI et STMicro. Le D.SOUND D400 utilise un circuit de la famille Purepath de Texas Instruments, le TAS5342LA. Le FX-Audio D802 est quant à lui basé sur le STA326 fabriqué par STMicro. Les deux amplis acceptent en entrée le flux I2S sous les formats grand public habituels, à savoir SP/DIF coaxial et optique, et ils peuvent être raccordés à un ordinateur au moyen d'un cordon USB 2.0. Ils sont tous deux dotés d'une télécommande donnant accès à de nombreuses fonctions totalement inutiles, plutôt destinées à la clientèle des grandes surfaces d'électroménager et aux propriétaires de smartphones, mais comme elles sont d'emblée embarquées dans les puces sus-nommées l'occasion était trop belle pour que les intégrateurs que sont D.Sound et FX-Audio n'en fassent pas usage et publicité. Aussi ces amplis sont truffés de gadgets qui devraient plaire aux amateurs de modernisme de pacotille avec moult effets audio Rock, Jazz, Hip-Hop, Loudness et j'en passe. Je vous laisse découvrir tout cela vous-même dans les datasheets des puces et les descriptions commerciales des amplis. Heureusement toutes ces fonctions peuvent être désactivées, dès lors l'appareil ne fait que ce pour quoi il mérite notre attention : amplifier un signal.
Tous les FDA ne sont pas égaux !
En comparant très attentivement les deux amplis sur d'excellentes enceintes, on s'aperçoit rapidement qu'il existe entre eux des différences de performances. Sans pouvoir attribuer ces différences à tel ou tel choix d'architecture interne, de composant ou de mise en oeuvre il faut se rendre à l'évidence : la technologie STMicro est supérieure à celle de TI. Le niveau de qualité des registres medium et aigu restitués par le FX-Audio D802 est littéralement inouï : jamais je n'ai perçu un tel réalisme avec aucun des amplificateurs que j'ai pu écouter durant toute mon existence, qu'ils soient à tubes ou à transistors, en classe A, A/B, ou D ou T, qu'ils soient réputés ou pas.
Bilan d'une rencontre du troisième type (d'ampli)
Il faut accepter cette cruelle vérité : un FDA envoie sur le champ les monstres sacrés de l'amplification linéaire au chapitre des dinosaures de l'histoire de l'audio. La page est définitivement tournée et tant pis si cela contrarie l'égo des propriétaires de monstres à dizaines de kilos d'acier, de cuivre et de silicium que certains aiment tant exhiber dans un salon. Les FDA ci-dessus, à peine plus gros que deux paquets de cigarettes, ridiculiseront le monstre en quelques secondes. Après avoir lu ce qui précède (vous êtes arrivé jusque là, chapeau !) vous devez penser, au choix, que je souffre d'une hypoacousie définitive, que je suis la Bernadette Soubirous de la Hi-Fi, que j'ai succombé aux sirènes de la Rivière des Perles de Shenzen, ou encore que j'ai vraiment décidé d'emmerder les adorateurs de la triode et du TO3 en classe A réunis. Eh bien non, ce n'est rien de tout cela. Comme évoqué plus haut, dès les premiers instants d'écoute j'ai compris que j'étais en présence de quelque chose de révolutionnaire et que c'en était fini de tout le matériel analogique avec lequel j'avais l'habitude d'écouter de la musique.
Ainsi, adieu vieilles gloires, j'ai décidé de tout remiser dans les réserves du musée et de ne garder que les sources conservées uniquement en souvenir d'un temps à jamais révolu, à savoir quelques magnétophones, une platine vinyle et un tuner FM. A cette fin j'ai construit un minuscule mais fort pratique sélecteur de sources (j'en reparlerai) raccordé à un ADC afin de pouvoir profiter encore un peu de ces bons vieux serviteurs. Bien entendu ceci n'est qu'un ultime hommage au monde perdu de l'analogique, la source principale du FX-Audio D802 étant un lecteur de DVD relié directement à son entrée optique (vive le confort moderne : le choix de l'entrée s'effectue depuis la télécommande fournie).
Le nouveau système tient dans le volume de quelques CD
Pour conclure, je ne vais pas ressortir le dictionnaire de superlatifs mais en ce qui me concerne une page est définitivement tournée : celle de l'analogique et de ses limitations, que je considère désormais rédhibitoires tant elles sautent aux oreilles dès que l'on essaie d'y revenir. Je ne peux que vous inviter à essayer vous même un FDA, c'est la seule façon de se rendre compte du monde qui existe entre tout ce que vous avez connu jusqu'ici et ce que je perçois comme étant l'avenir de l'audio. Merci à Franck M. pour m'avoir fait découvrir les incroyables qualités de l'amplification FDA, il ne fait aucun doute que c'est LA technologie incontournable dans un système multi-amplifié.
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