mercredi 31 août 2022

De la puissance des amplificateurs audio

 Sur la puissance annoncée des amplificateurs audio.


Abstract: l'objectif de la Hifi est de reproduire de façon réaliste et agréable, des enregistrements à volume modéré sans aucune perturbation, bruit, et limite de dynamique. L'objectif nest pas de faire gueuler le plus fort possible avec des basses disproportionnées (ça c'est de la sonorisation dance floor ou du Cinéma : endroits que tout audiophile devrait fuir pour ne pas se détruire les tympans). 
 
Contrairement aux idées reçues : en ECOUTE HIFI la puissance nécessaire ne dépend pas de la taille de la pièce d'écoute car on écoute toujours au point focal (sweet spot) à environ 3m ou 4m des enceintes. Dans une grande pièce on a juste une réverbération plus longue, et encore : en Hifi on doit s’arranger pour que la reverb reste toujours en dessous de RT60=0.4 secondes environ via un traitement acoustique.  

Néanmoins pour obtenir de la dynamique il faut que l'ampli dispose d'une certaine capacité de "puissance".

Mais quelle puissance ? puissance continue ? puissance impulsionnelle ? à quel taux de distorsion ? et la puissance est-elle vraiment importante ?



Définitions simplifiées :
  • Puissance RMS : puissance moyenne du signal sinusoidal, équivalente à la puissance "continue"
  • Puissance impulsionnelle IHF ou "Burst" : la puissance IHF est la puissance maximale que l'amplificateur peut émettre pour une impulsion de 20 ms. On trouve aussi parfois "Burst Power" mesurée à l'aide d'une tonalité répétitive de 200 ms (Peter Mitchell de Stereophile aurait découvert qu'il s'agit de la transitoire la plus longue que l'on rencontre généralement en musique)
  • THD : Taux de distorsion harmonique, il varie en fonction de la puissance et de la fréquence. Souvent il est additionné avec le bruit, car c'est plus facile à mesurer : on le nomme SINAD ou THD+N dans ce cas.
  • Sensibilité : point de mesure indicateur du rendement énergétique d'une enceinte acoustique : c'est le volume en décibels (dB) obtenu à la fréquence de 1000Hz avec 1 W de puissance électrique ampli.
 
 
Notons dés maintenant que la sensation perçue (psychoacoustique) de doublement du volume sonore nécessite plus qu'un doublement de la pression acoustique: il faut entre 6dB et 12dB en fonction des oreilles, soit environ 10X plus de puissance électrique "AMPLI" pour sonner deux fois plus fort (sur une même paire d'enceintes, donc indépendamment de la sensibilité).
 
 
Voici la formule généralement utilisée pour évaluer la perception de volume psycho-acoustique (V) en fonction du ratio (R) de puissance :
 
V = R^(1/3.5)
 
 

 
 
Quelle puissance ? Selon Stereophile, NAD a fait la démonstration au CES, que son ampli 7100 de 2x50W produisait plus de puissance sans écrêtage dans une charge typique (représentée par un haut-parleur B&W) qu'un produit concurrent certifié 2x90W. L'implication était que le produit NAD 50W sonnait plus "fort" sans distorsion qu'un autre amplificateur officiellement classé comme étant presque deux fois plus puissant.

De fait la puissance annoncée par la plupart des constructeurs est parfois fantaisiste, souvent de façon "marketing", et presque toujours avec manque de précision concernant le taux de distorsion correspondant aux valeurs annoncées. Même quand elle n'est pas fantaisiste : les conditions de mesure sont souvent différentes et les paramètres de fixation des valeurs sont différents.

Hors, par exemple, la valeur du taux de distorsion est fondamentale car la puissance varie d'un facteur de 1 à 10 selon le taux de distorsion.

Deux elements limitent la puissance d'un ampli : la capacité de l'alimentation, et le dimensionnement de l'étage de puissance :
En dehors de la limite "thermique" : la limite de dimensionnement de l'étage de puissance est son taux de distorsion, qui augmente rapidement à partir d'une certaine puissance dite "limite de clipping".

Exemple de mesure de la puissance par canal d'un SMSL AO100.

Selon moi, il y a trois paramètres de puissance à prendre en compte :

1) La puissance "continue", celle que l'ampli doit pouvoir délivrer en permanence sur toute la plage de fréquences Hifi (20Hz - 20 KHz). Malheureusement rares sont les constructeurs qui mesurent la puissance de 20Hz à 20KHz : il se contentent souvent de la mesurer à 1KHz. Ceci dit, cette puissance est appréciée à moins de 0.1~0,5% THD. Par exemple : l'ampli SMSL AO100, dont la courbe "constructeur" sous 8Ω est donnée ci-dessus, devrait être annoncé pour 2x25W à 0.2% THD. C'est une puissance continue assez satisfaisante, sachant que cet ampli exploite un seul circuit Infineon MA12070 qui n'est pas sensé sortir autant sous 8Ω. (c'est peut-être mesuré sous 6Ω...). Notons que la puissance "RMS" de l'ampli n'est un paramètre vraiment significatif seulement si les enceintes ont un rendement faible.

2) La puissance impulsionnelle : c'est la puissance que l'ampli peut produire pendant une fraction de seconde, avec un taux de distorsion (THD) "élevé" mais indiscernable sur un événement musical aussi bref. On considère que 10% de distorsion est le maximum acceptable sur de telles impulsions. On peut en déduire la marge dynamique de l'ampli, définie par le standard IHF comme le rapport entre la puissance IHF et la puissance continue. Un amplificateur pouvant délivrer 200W pendant 20ms mais 50W en continu aura une "marge dynamique" de 6dB. L'ampli précédant doit pouvoir délivrer 2x40W IHF (10%THD) pendant plus de 20 mili-secondes.


Mesure des puissances continue&impulsionnelle

3) Le rapport entre la puissance sous 8Ω et la puissance sous 4Ω. Ceci détermine la capacité de courant de l'amplificateur. C'est sa capacité a générer du courant quand l'enceinte le demande, par exemple dans les basses fréquences là où son impédance baisse (ça chute entre 2Ω et 4Ω dans les basses pour une enceinte d'impédance nominale de 8Ω/1000Hz).

La puissance est-elle vraiment un paramètre important ?

Même si on s'intéresse uniquement au "volume sonore", faisant abstraction de la linéarité (respect des timbres), de la scène stéréo (gestion de la phase), et autres paramètres aussi importants que le volume : la capacité d'un ampli à produire du volume ne dépend pas "QUE" de la puissance électrique.

En dehors de la puissance électrique pure, le paramètre principal c'est la façon dont l'étage de puissance réagit aux variations d'impédance des enceintes, associé à sa capacité de sortir du courant sur impulsion (la variation du Damping Factor est en partie ce qui procure une meilleure efficacité aux amplis à tubes, d'ailleurs).

Également très important pour les amplis classe D : la capacité de l'alimentation à maintenir une tension fixe quelle que soit la charge. En effet la tension de sortie des classe D est constante, c'est la densité des impulsions qui fait varier la valeur de tension moyenne résultante après lissage par inductance, aux bornes des HP.

De plus, pour une écoute à volume moyen, dans une pièce "moyenne", disons 30m2 : la puissance continue nécessaire est de l'ordre de 5W pour des enceintes de sensibilité moyenne, à condition que l'ampli ait une capacité dynamique suffisante.

Dans la pratique l'ampli restera assez souvent entre 0.1W et 1W avec des pointes entre 5W et 10W.
Notons que sur l'orchestre on aura certes de grandes variations de puissance mais une densité de fréquences bien supérieure, ce qui va assez souvent solliciter la puissance en continu sur les passages forté : le symphonique est plus exigeant. Bien entendu comme tout le monde, j'aime bien en avoir sous le pied afin de pouvoir faire péter les watts, donc disons que la puissance "continue" nécessaire" pour sonoriser n'importe quelle pièce de 50m2, avec presque n'importe quelle enceinte de plus de 90dB est de l'ordre de 20W continu sous 8Ω avec moins de 0.5% THD, avec une capacité d'environ 50W à 10% THD en impulsionnel.

Et la sensibilité des enceintes ?

On voit presque quotidiennement, sur différents groupes de discussion, la question suivante : "quel ampli suffisamment puissant me conseillez vous pour driver mes enceintes colonnes XXX ?". Et invariablement on en arrive à "Tu es certain que cet ampli aura assez de jus pour driver des grosses colonnes XXX ?". En effet, un grand nombre d'amateurs de Hifi sont convaincus que plus une enceinte est grosse, plus elle comporte de HP : et plus il faut de puissance électrique "ampli" pour la faire fonctionner. Ce n'est pas complètement faux, mais la taille de l'équipage mobile des HP est un paramètre très secondaire : il faut considérer la sensibilité comme le premier indicateur de "gourmandise" d'une enceinte acoustique. Par exemple : il faut environ 10 fois plus de puissance ampli pour faire fonctionner une paire de biblio B&W CM6 , qu'une paire de grosses colonnes Klipsch rf7 mk2 !

Les deux (ou trois) paramètres à prendre en compte sont :
  1. La sensibilité en dB de l'enceinte en dB à 1000Hz/1W, la sensibilité varie de façon similaire à l'impédance ...
  2. L’impédance "nominale" de l'enceinte est le deuxième paramètre : elle aussi mesurée à 1000Hz. L’impédance varie beaucoup en fonction de la fréquence : elle est globalement plus faible à basse fréquence (comportement "inductif" des enceintes) : il n'est pas rare de voir une enceinte d'impédance nominale 8Ω à 1000Hz, chuter à 3Ω vers 100Hz. On note aussi des bosses d'impédances liées aux fréquences de résonance de l'enceinte dans le grave.
  3. "Si" on souhaite "sonoriser" : la taille de la pièce à sonoriser est le troisième paramètre (en ECOUTE HIFI la puissance nécessaire ne dépend pas de la taille de la pièce d'écoute). En sonorisation on veut que toute la pièce soit sonorisée. Sonoriser une pièce deux fois plus grande demande environ 1.5x plus de puissance. Néanmoins, comme on l'a vu ci-dessus : en écoute normale la puissance continue nécessaire oscille entre 0.1W et 1W. C'est donc à nouveau la puissance impulsionnelle qui est en jeu, car elle est beaucoup plus haute. NAD l'a bien compris depuis des années, et ça marche ! leurs amplis conçus pour la puissance dynamique sont redoutablement efficaces, pour sonoriser une très grande pièce avec 2x30W de puissance continue. Ils ne sont pas les seuls ceci dit : la majorité des constructeurs japonais réalisent leurs électroniques avec les mêmes critères mais communiquent moins sur le sujet.
Courbe d'impédance typique d'une enceinte
Pour illustrer : dans un local d'écoute donné, et pour un volume sonore identique : driver des biblio B&W 707 de 84dB réclame grosso-modo 2x plus de puissance à l'ampli que driver des colonnes B&W 702 de 90dB. Pour une pièce de 20m2 les colonnes pourront tourner confortablement avec un ampli de 2x10W RMS, quand les biblio auront besoin d'un ampli sortant 2x20W. Toujours pour le même volume sonore, et pour la même pièce : de monumentales colonnes Cabasse Galion 4 de 95dB se contenteront d'un ampli de moins de 2x10W RMS. Les valeurs précédantes s'entendent en "puissance continue" à moins de 0.5% THD avec une capacité dynamique (IHF) au moins 3x supérieure à moins de 10% THD.

Les puissances annoncées par les constructeurs

Le problème est que les constructeurs n'annoncent pas des caractéristiques de puissance "lisibles" et "comparables" entre-eux, c'est à dire en précisant les conditions de mesure. La puissance seule n'a aucune signification si on ne précise pas :
  1. A quel taux de distorsion (THD) elle a été mesurée ?
  2. En équivalent continu (RMS) ou en impulsionnel ?
  3. Sur quelle impédance de charge ?
  4. Sur quelle fréquence de signal ?
  5. Mesurée sur une seule fréquence ou échantillonnée sur une plage de fréquences ? 
La fréquence en particulier joue un rôle important. En effet il n'est pas rare que les mesures soient réalisées à 1000Hz, hors le taux de distorsion peut être multiplié par 10 si on réalise la mesure à 20KHz. 
 
Si on fixe la limite de clipping à 0.5% THD, on doit donc en principe considérer la puissance MAX comme étant la pire valeur de puissance obtenue entre 20Hz et 20KHz à 0,5% THD.
 
Courbe THD versus fréquence typique
 
 
La majorité des constructeurs chinois d'amplis classe D / FDA se foutent royalement de la gueule du monde, SMSL en particulier : ils annoncent seulement des puissances impulsionnelles à 10% THD qui de plus : sont assez souvent fausses.
Par exemple l'ampli dont on a admiré la courbe puissance/THD ci-dessus est annoncé comme un ampli de 2x70W RMS par SMSL. La valeur issue des mesures fournies est plutôt d'environ 2x20W / 8Ω. Et on peut tabler probablement sur 2x40W pendant 20 millisecondes. Ne pas se méprendre : cet ampli est excellent, et d'une puissance vraiment confortable pour driver la plupart des enceintes. C'est juste la communication du constructeur qui est débile.

Exemple de puissance marketing


Topping est plus sérieux : il annonce des puissances impulsionnelles lui aussi, mais au moins : elles sont réalistes. Par exemple le Topping PA3s qui utilise 2 circuits Infineon MA12070 bridgés (donc théoriquement 2x plus puissant que le SMSL AO100 précédant) annonce une puissance inférieure au SMSL AO100 : 2x65W. Cela correspond plus ou moins à la puissance impulsionnelle à 10% THD du Topping PA3s.
Pour celui-ci on dispose de valeurs un peu plus sérieuses, il sort environ 2x30W RMS en continu : un ampli relativement puissant.

Courbe Puissance / SINAD d'un Topping PA3s

Chez les constructeurs flagués "audiophiles" notons par exemple Atoll qui non seulement annonce des puissances fanfaronnes, mais de plus, selon Hifirep : des puissances qui détruisent l'ampli, compte tenu de la conception fragile de ces machins. On ne peut pas vraiment faire confiance aux valeurs fournies par ce genre de constructeur qui cible une clientèle ne s’intéressant pas aux performances du matériel mais d'avantage au prestige de la marque et au packaging.

Il y a NAD aussi, qui mise beaucoup sur la dynamique et annonce les deux valeurs : la puissance continue en limite de clipping, et la puissance impulsionnelle IHF parfois 2x supérieure. C'est la marque de fabrique de NAD : des amplis très "dynamiques" !

Enfin il y a les grands constructeurs japonais qui sont à ma connaissance les seuls à annoncer des puissances continues "Hi-fi", mais qui ne précisent pas toujours la puissance continue de clipping ni la puissance impulsionnelle. Il n'est donc pas rare de rencontrer des amplis japonais annoncés à une puissance 2 à 3 fois plus basse que l'ampli de puissance équivalente d'un constructeur chinois ou occidental.

Si un ampli DENON annoncé pour 2x30W RMS est apparemment plus puissant qu'un FDA chinois annoncé pour 2x200W RMS, ne soyez pas étonnés : c'est tout à fait réel ! et cela n'enlève rien aux qualités du FDA ! un SMSL AD18 est capable de sortir environ 2x20W RMS/8Ω, ce qui est déjà excellent, non seulement car cet ampli à une bonne capacité impulsionnelle, mais aussi car d'une façon générale on a rarement besoin de plus de 20W "en continu".


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.